À Petros, crise grecque (extrait) par Anne Barbusse

Les Poèmes et Fictions, poésie contemporaine

À Petros, crise grecque (extrait) par Anne Barbusse

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j’étais une étrangère pure et simple, de celle qu’on ne nomme plus
parfois les rues étaient chinoises, parfois les rues vendaient le monde dans des échoppes ouvertes et pleines de mots incompris
j’apprenais la langue de la ville
il fallait bien - sortir de l’hôtel - suivre les hommes volontaires et occupés - adopter la marche inconsciente et amoureuse - sous l’Acropole un arbre fleuri de blanc, abordant le printemps à bras le cœur - entrée ensuite dans les maisons abandonnées de Plaka, courette, portes fermées de clous branlants, plafonds bas où l’humidité suinte d’hiver, plafonds hauts et pièces vides, cela va tomber, les jardins sont emplis d’immondices, les clochards doivent venir parfois, mais il n'a rien à vendre, parfois encore un réchaud, des semblants de meuble, j’entre et je sors en cachette, je fais peu de bruit, je ne respire plus - 
toucher la ville en son cœur
les orties me mangent les jambes
parfois on s’assoit au sommet du bruit, un cinéma d’été, près de l’Acropole encore, 
les rues du Pirée sont tirées à angle droit à l’américaine
d’en haut on voit la perpendicularité des rues tracées jusqu'à la mer - on n'aime pas -
nous sommes revenus au séjour des dieux nous avons
la mer d’un côté et les montagnes blanches de l'autre mais la beauté n’efface pas la cruauté de la tristesse fêlée de l’amoureuse
je glisse sur vos mondes froids et clairs
je ne sais tenir le silence dans mes mains - j’ai mis son manteau sur mon corps pour me protéger de la neige du monde
I didn’t want to see you and I saw you three times
mais la quatrième fois il dormait loin de mon corps, méfiant, à peine les mains, just one kiss,
la neige d’Athènes est plus froide que ma folie
le chat métallique est sur le piano
il faudra qu’un jour je lui dise le mensonge du mur sud
Athènes pardonne-t-elle aux paroles menties de peur
l’amoureuse porte-t-elle le poids du mal tel viatique nécessaire
la femme mesure-t-elle l’humanité à l’aune des villes