Il était venu mettre en avant un dispositif innovant : le recrutement d’un jeune réfugié afghan pour un service civique dans un club de foot, à Laon. Mais ce jour de janvier, le délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés, Alain Régnier, tombe sur une délégation de « gilets jaunes », venus l’apostropher, comme ils le font dès qu’un politique se rend dans leur ville. M. Régnier se souvient d’un échange cordial. « La plupart étaient des retraités qui gagnent entre 800 et 1 000 euros, rapporte-t-il. Il y avait l’idée qu’eux n’y arrivent pas et que l’Etat dépense beaucoup pour les migrants. » M. Régnier a l’habitude d’être interpellé à travers ce prisme. Récemment, la présidente du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen a d’ailleurs affirmé qu’un « migrant fraîchement débarqué peut toucher plus qu’un retraité ayant travaillé toute sa vie ». Une assertion fausse mais qui ravive le spectre de la concurrence entre « pauvres ».
A Laon, les « gilets jaunes » se défendent toutefois d’y avoir puisé un levier d’action. Ici comme ailleurs, le mouvement n’a pas fait de l’immigration un enjeu central, alors même que le président de la République a choisi d’en faire un point d’entrée du grand débat national qui s’est achevé vendredi 15 mars. « Ce n’est pas que les gens se moquent du sujet, mais ils ont d’autres priorités », résume Alexandre, attaché commercial à la retraite et « gilet jaune » actif à Laon. Son point de vue ne relève pas d’un simple ressenti. « On a recueilli des revendications en allant sur les ronds-points et devant deux centres commerciaux et sur quelque 280 remontées, il y a une personne qui se plaint qu’il y a trop de migrants », fait valoir Didier, consultant en fiscalité de 49 ans, lui aussi mobilisé à Laon. Lors de la « réunion citoyenne » organisée le 6 février à la Maison des arts et loisirs de Laon, qui a mobilisé environ 250 personnes, « il n’y a eu aucune question sur l’immigration », ajoute-t-il.
Le cahier de doléances de la mairie de Laon laisse apparaître une seule réclamation sur le sujet alors que les pages sont noircies de multiples demandes sur les transports, le train de vie des élus et des hauts fonctionnaires, ou encore la fraude fiscale et les retraites. Y compris dans les paroisses du diocèse, où quelques débats ont eu lieu à l’appel de la Conférence des évêques de France, « le sujet des migrants n’a pas été abordé », assure Louis, un retraité qui y a participé.
Il vous reste 62.44% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.