En décembre 2019, le grand public français a soudain découvert BlackRock. L’énorme société de gestion américaine, la plus importante au monde, qui gère 7 500 milliards de dollars (6 500 milliards d’euros) d’encours, s’est retrouvée accusée d’agir en sous-main pour influencer la réforme des retraites. Jean-Luc Mélenchon fustige désormais les « blackrockistes » : « C’est BlackRock qui se trouve là, derrière tous ces articles [de loi] », dénonçait le leader de La France insoumise, le 9 février, devant une commission de l’Assemblée nationale.
Et voilà que Vanguard, autre énorme société de gestion américaine, avec 5 600 milliards de dollars d’encours, se lance dans le débat. Mardi 10 mars, elle publiait un « manifeste » incitant les Européens à épargner davantage. « Les habitants de l’Union européenne n’épargnent pas correctement pour leur retraite et, chez Vanguard, nous pensons qu’il y a certaines choses qui peuvent être faites pour les aider », explique au Monde Sean Hagerty, le directeur de Vanguard pour l’Europe.
Pour lui, il est clair que le système des retraites doit reposer sur plusieurs « piliers ». « Les retraites obligatoires ne suffisent plus, et il faut que les gens épargnent de manière volontaire en parallèle. » Concrètement, il est nécessaire de développer la retraite par capitalisation. Et ce, même si les grandes Bourses de la planète ont connu leur pire journée de cotation depuis 2008 et l’éclatement de la crise des subprimes, avec des pertes de plus de 7 % des principaux indices.
Controverse française
Si l’intervention de Vanguard peut paraître osée dans un climat économique et politique hautement inflammable, c’est que la firme ne s’intéresse guère à la France. « A vrai dire, ce manifeste n’est pas lié au contexte en France ou dans un autre pays en particulier. Nous nous situons au niveau européen, où il y a une nouvelle Commission et un nouveau Parlement. » A Bruxelles, un grand projet visant à développer les marchés de capitaux est en gestation depuis des années et la société de gestion veut influencer le débat.
Vu de Vanguard, firme américaine qui s’est lancée en Europe il y a une décennie, la controverse française est incompréhensible. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni, où elle est la plus présente, ont des systèmes de retraite par capitalisation et la firme peine à comprendre en quoi proposer des produits d’investissement peut être problématique. D’autant que l’argent que Vanguard gère ne lui appartient pas (c’est également vrai de BlackRock). Ces sociétés vendent l’équivalent des vieilles Sicav, qui ont les faveurs des épargnants prudents de longue date.
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